CHOC Jazz Magazine Jazzman, juillet/août 2010, n°616
Vincent Cotro
Cette production franco-finlandaise comme le bel objet qui en résulte - est placée sous le signe de l'Europe et du collectif, dans sa dimension musicale comme dans le rapprochement des labels (Yolk et Fiasco) qui la publient simultanément, contribuant ainsi à faire vivre le projet européen Zoom!.
Sébastien Boisseau assume la direction de ce Unit nourri, comme il le revendique, de l'influence d'Old and New Dreams (Don Cherry-Dewey Redman-Charlie Haden-Ed Blackwell). L'univers aquatique et minéral à la fois illustré par la pochette et décrit par certains titres (Underwater Scenes, Dunes) est guidé par la sensation de la multiplicité des écoulements du temps, de sa fluidité toujours changeante.
Le résultat sonore pourrait s'écrire comme la conjugaison collective d'un espace-temps-matière qui s'appuierait ici sur l'écriture - rythme, phrase ou simple couleur - là sur le jeu délibéré de l'instant. Cinq improvisations collectives plus brèves parsèment ainsi le programme, dont trois s'enchaînent en son centre, esquisses de paysages sonores lisses (Stalker Laments) ou striés par un motif obsédant (On the Back of the Sea Turtle, In Coudoulous Brooks). La rencontre des voix et des souffles (la très belle sonorité de Laurent Blondiau, les présences multiples de Mathieu Donarier) est finement incarnée par le souffle(t) de l'accordéon, et l'on ne peut qu'admirer le degré de maturation d'un travail collectif qui, plutôt que de céder la place à l'individuel, sait l'intégrer pleinement. Écoutons le très beau et surprenant solo du contrebassiste dans Malinois ou celui, littéralement habité, de Veli Kujala dans Angel's Thought.
Les notions de texture et d'énergie se répondent, depuis l'étirement sur un mode hypnotique ou répétitif (Wavin’) à une matière plus charnue et concentrée, qui libère une puissance jusqu'alors contenue (Wanbli).
Une très belle rencontre à découvrir d'urgence.
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par Julien Gros-Burdet // Publié le 5 août 2010, citizenjazz.com
Avec Unit, il est question d’unité de temps – passé, présent, futur – et d’unité par-delà les frontières. Ce quartet né en 2005 suite à une commande du CRDJ est à l’image du collectif Yolk et de ses ambitions : ouverture sur l’histoire du jazz et sa perpétuation, ouverture sur les autres scènes européennes avec, aux côtés de Sébastien Boisseau et de Matthieu Donarier, le trompettiste belge Laurent Blondiau et le batteur finlandais Mika Kallio. Après de nombreux concerts à travers le Vieux Continent, ils se sont retrouvés en compagnie de l’accordéoniste Veli Kujala, au milieu d’une tournée, pour enregistrer un deuxième album, après le l’excellent Time Setting paru sur le label hongrois BMC.
Sébastien Boisseau, qui signe la majorité des compositions, cite de nombreuses sourced d’inspiration, dont Old And New Dreams, le mythique quartet de Don Cherry, Ed Blackwell, Charlie Haden et Dewey Redman. Wavin’ révèle effectivement ce goût - partagé avec le quartet des anciens partenaires de Ornette Coleman - pour les mélodies baignant dans des formes souples, laissant toute liberté aux musiciens pour parcourir le chemin ensemble, au gré du vent.
Mais Unit rappelle également d’autres chemins de traverse, tels le Charms Of The Night Sky de Dave Douglas, notamment dans le mariage des timbres et l’ambiance qui se dégage de « Dunes », ou encore la rencontre entre ce trompettiste américain et Louis Sclavis sur « Interceptor » [1]. Wavin’ est une musique des terroirs, ouverte aux influences, une musique de climats nordiques et de fin de jour. Ça bruisse, ça prend ses aises, le temps se contracte ici pour mieux se dilater là. D’un morceau à l’autre, la musique propose des univers d’une belle douceur (« Crocus »), ou au contraire emplis d’une énergie débordante et jouissive (« Malinois » ou « Wanbli »).
Bel exemple de collectif engagé au service de la musique que livrent ici ces cinq magnifiques musiciens si doués pour creuser le matériau de base et s’en servir pour propulser des improvisations passionnantes mêlant avec bonheur les lignes instrumentales. Ce très bel album dose savamment les influences pour donner une œuvre moderne qui procure à l’auditeur un plaisir indicible.
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loreilledemoscou.canalblog.com
Unit, c'est Seb Boisseaux à la contrebasse qui emmène avec lui le Finlandais Mika Kallio à la batterie, aux sax et clarinettes, Matthieu Donarier, Veli Kujala à l'accordéon et Laurent Blondiau à la trompette.
Unit appartient à cette famille de musiciens qui n'a que faire des cases où on adore enfermer la musique. Leur art est vivant, vibrant, mutant et transgressif. Et ça par nature...Et nécessité aussi. Sur ce Wavin', dernière sortie en date, on découvre leur terrain de jeu : la réalité de l'instant. Cet entre deux monde où la métamorphose de toute chose en une autre est une pratique locale reconnue.
Ensemble ils modulent leurs effets, alternant composition et improvisation, mettant en œuvre une poétique du son et de la matière, jouant sur une maîtrise hallucinante des sonorités, tour à tour pleines ou déliées, étranglées, tranchées, lâchées en notes tenues, glissées, feutrées...
Ensemble , ils inventent une musique de sensation, fugues qui courent sur un fil tendu entre réalité et fantasme après des histoires fortes et fragiles, jamais délétères, pleine d'embûches, animées et aventureuses. Une musique portée par une pulsation d'une allégresse rythmique sans limite, basée sur l'écoute, toujours à préserver, et l'entente, toujours à (re)créer. Dussent-ils le faire à dos de tortue, les membres de cette drôle de dream team semblent capable d'aller bien loin, plus loin que là où portent nos regards, c'est certain !
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www.franpisunship.com
Sébastien Boisseau fait partie de ces contrebassistes qu'il fait bon avoir dans ses formations, si l'on considère la multitude de projets auxquels celui-ci participe, en vrac, le Baby Boom de Daniel Humair, le quintet Oliva/Raulin, le Gros Cube, le MKMB ou encore, récemment, la digression en trio avec ses comparses Alban Darche et Gabor Gado, cela donne vite le tournis... Autant de projets qui démontre chez Boisseau une grande implication et une virtuosité de chaque instant.
Unit est un remarquable projet, qui ne met pas le jazz européen dans une posture chimérique, mais dans le sens de la convergence et de l’action. C’est d’ailleurs sur deux labels, les français de chez Yolk et les finlandais de Fiasko que Wavin’ est sorti, pour bien montrer une convergence, une onde positive… Et c’est justement bien le sujet !
Déjà remarqué, il y a quelques années, pour un album « Time Setting », dont on se demande bien pourquoi il n’a jamais été chroniqué ici (il y a des racines du bien qui se perdent !) en compagnie du guitariste hongrois Gabor Gado sur le label BMC, Unit a cette volonté chevillé au corps de trouver un langage commun entre les musiciens européens, avec comme bien souvent la grammaire colemanienne tendance ornette comme dialecte véhiculaire, même si ici, c’est la filiation –si proche- de Don Cherry qui est réclamé par Boisseau ; après tout, « Unit », le nom du groupe, est assez explicite en ce sens, tout comme l’est, dans sa construction et sa structure, le morceau « malinois »…
Désormais impliqué avec Yolk dans le projet Zoom ! qui regroupe plusieurs labels européens, c’est donc avec le remarquable batteur Mika Kallio, impressionniste et incroyable de musicalité que le groupe de Boisseau s’est reformé. Le batteur Mika Kallio, on avait pu le découvrir lors de l’année de la Finlande en France, avec le saxophoniste Mikko Innanen, mais aussi l’accordéoniste Veli Kujala, invité sur Wavin’ et dont la sonorité fait énormément pour cet album. Pour s’en convaincre, il convient de se laisser porter par la lente mise en atmosphère de ce magnifique accordéon sur le morceau Angel’s Thought, entre cliquetis et sculpture décharnée du silence.
Unit est donc un groupe à géographie variable qui s’appuie sur une base immuable, les saxophones et clarinettes de Donarier toujours aussi fluides et la trompette de Laurent Blondiau, brillante et chaleureuse. Pour Wavin’, avec les deux musiciens finlandais, Unit abandonne l’urgence de Time Setting pour exposer une musique d’une grande poésie, profonde et chaleureuse qui file entre les doigts tout en étant persistante, comme l’eau claire des lacs et des ruisseaux de sous-bois qu’évoquent immanquablement cet album, lorsque les frottements charnels et les crissements d’accordéons ne nous conduisent pas dans les profondeurs abyssales et sombres d’une mer apaisée (« On the back of the sea turtle »).
Le temps est comme suspendu, laisser au gré du vent et de l’air, porté par le jeu très fluide de Sébastien Boisseau, dont on retrouve la solidité dans son « standard » personnel, « Wambli », déjà présent sur Baby-Boom et sur Emotions Homogènes. Il faudra un jour que l’on se penche sur l’effet qu’à la Finlande sur les musiciens français. On se rappelle sans doute de l’afflux de sensations dans le magnifique Äänet qui jouait sur les éléments et la perception. Wavin' dans un style différent, plus orchestral, délivre également une musique où les timbres exposent un paysage, développent une atmosphère où la nature semble prendre sa part d’improvisation, où le temps semble son propre maître, et où les musiciens se livrent à un travail d’écoute et de transcription d’une nature aussi libre et fougueuse qu’elle est lente et immuable....
Indispensable.
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www.mozaic-jazz.fr
"Ecouter la musique de UNIT, c’est comme regarder au fond d’un ruisseau, quand les formes les plus simples, brouillées par le mouvement, unissent leurs danses en un ballet où l’on est finalement bien en peine de distingué le minéral, le végétal, l’existant et le rêvé..." (extrait)